Révélé au grand public il y a déjà longtemps, Luce Dufault a toujours une forte présence dans le paysage musical québécois. Pour cause, sa voix chaude et puissante, et douce à la fois, en fait l’une des grandes interprètes de chez nous. Ayant traversé les difficultés de la perte d’équilibre plus d’une fois, c’est avec grand plaisir qu’elle a accepté d’être la tête d’affiche du Show du Zéphir le 9 novembre prochain, fière d’appuyer la cause de la santé mentale. Discussion authentique sur le sujet, sans langue de bois.
Propos recueillis par Louis Lalancette
Luce, pour toi, qu’est-ce que la santé mentale?
La santé mentale c’est aussi important que la santé du cœur, que la santé physique. C’est quelque chose de fragile et pourtant on croit que d’avoir un problème de santé mentale ça ne nous arrivera jamais. Et puis, on est toujours le premier surpris quand ça nous arrive! Comme si on était à l’abri de ça. Alors, en prendre soin c’est aussi important que de manger trois fois par jour.
As-tu toi-même déjà souffert d’épisodes dépressifs ou d’anxiété?
Oui! En fait, je ne fais pas vraiment d’anxiété. Je peux être stressé, nerveuse, mais je ne suis pas une personne anxieuse. Par contre, j’ai fait quelques dépressions majeures. Quand tu vis de l’épuisement, du « trop gros » stress, à un moment donné tu casses! Et ça m’est arrivé… Je suis passé au travers, mais je suis allé chercher de l’aide. En fait, la première fois, je n’ai juste pas résisté, j’y suis allé. Mais la deuxième fois je ne pouvais pas croire que j’en vivait une autre. Encore. Là c’est mon chum qui m’a amené chez mon médecin. Sans me forcer, tu sais, mais… il ne m’a pas vraiment laissé le choix (rires). Et heureusement! Ensuite, j’ai fait une très, très longue psychothérapie. Je me suis mieux équipé, mieux outillé.
Tu parles de ton chum qui t’a aidé. Comment faire pour être un proche aidant efficace?
Je pense que c’est juste d’essayer d’adoucir les choses pour que la personne comprenne que ça ne fait pas d’elle une moins bonne personne. Que ça ne fait pas de toi quelqu’un de faible! Parce que tu sais, aussi, tu veux tout faire pour ne pas être défini par ça! Parce qu’il y a encore beaucoup de stigmates, parce que finalement ça peut faire partie de notre définition, comme un handicap physique. Je ne sais pas pourquoi on pense encore trop souvent que ça n’a rien à voir avec la santé, qu’on ne comprend pas que c’est naturel et qu’il faut l’accepter…
Donc, selon toi, les gens ont encore beaucoup de préjugé, de tabou face à la santé mentale?
Oh oui! Beaucoup de gens disent que non… mais y a toujours un « mais » qui suit… Non! Y a pas de « mais »! C’est ça qu’elle vit, c’est ça qu’il vit. Dans mon entourage, une personne qui vivait un épisode dépressif pour la première fois a eu peur de perdre son emploi. Elle a eu peur du stigmate de la problématique mentale. Or, si tu te casses une jambe, est-ce que ton employeur va te mettre à la porte? Les gens ne croient pas que ça va être « accepté » et qu’ils vont avoir droit aux mêmes égards que celui qui a une jambe cassée. Et souvent des gens, dont c’est la première fois, ils se rendent compte qu’eux-mêmes ont peut-être un préjugé par rapport à ça et ils s’en rendent compte là. Parce que là ce sont eux qui sont malade. Et là ils le réalisent qu’ils ont des préjugés! Et donc… c’est difficile d’en parler… il faut que tu avoues quelque chose que tu n’aimes pas! Que tu n’acceptes pas. En fait, que tu ne comprends pas…
Est-ce donc dire que c’est difficile d’aller chercher de l’aide ?
Non ce n’est pas évident de trouver le courage de dire : ok, je vais aller chercher de l’aide… mais c’est nécessaire! Ok, j’ai besoin de prendre des anti-dépresseurs. Ok, je ne m’en sortirai pas toute seule… pis ça… je ne sais pas pourquoi c’est comme ça… Si tu as une maladie habituellement tu vas prendre ce qu’on te prescrit pour te soigner, mais pour une dépression, je ne sais pas pourquoi on n’a pas envie de prendre le médicament! Encore une fois il y a beaucoup d’incompréhension à propos de la santé mentale, ce qui amène beaucoup d’appréhension.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui a des difficultés et qui les vit seul, qui vit de l’isolement, de la solitude?
Sort dehors. Sort. Ne serait-ce que pour échanger un regard avec quelqu’un, un sourire. C’est certain que tu ne trouveras pas cette personne dans ta cuisine ou dans ta chambre. Tu ne croiseras personne dans ta coquille! Sort. Va t’oxygéner, voire de la lumière, la nature, quelque chose qui bouge, quelque chose qui vit. Juste ça là, ça peut faire une grosse différence. C’est un premier pas. Et puis… soit patient, accroche-toi. C’est une étape à la fois!