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Lutte contre les feux de forêt – Partager la prise de décision

Éliane Grant, chargée de cours à l’université et biologiste de la faune au Gouvernement de la Nation Crie. (Courtoisie)

Il faut impliquer davantage les Autochtones dans la lutte contre les feux de forêt et conscientiser les enfants à leur récurrence : voilà des réflexions apportées par Éliane Grant dans le cadre du 25e colloque annuel de la Chaire d’aménagement forestier durable de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Résidente de Chibougamau, Mme Grant est biologiste de la faune au Gouvernement de la nation crie et est chargée de cours à l’École d’études autochtones de l’UQAT.
Intitulée Les conséquences des feux pour les utilisateurs cris du territoire, l’allocution du 28 novembre d’Éliane Grant témoignait de sa propre expérience, mais dressait également un état des lieux.

Multiples pertes

« Nous avons perdu des camps, culturels entre autres, beaucoup d’équipement, des bateaux, [etc.], relate Éliane Grant. C’est du matériel, mais nous avons perdu aussi des souvenirs, un héritage, des connaissances acquises depuis des génération sur où sont les orignaux, où mettre les trappes pour le castor. […] Certaines activités de groupe pourraient se déplacer dans d’autres communautés pour que les plus jeunes apprennent. »

Certains Cris bénéficient d’un programme de sécurité du revenu mis sur pied dans le cadre de la Convention de la Baie-James. « Certains d’entre eux n’ont pas juste perdu un camp, ils ont perdu un mode de vie », observe Éliane Grant. Le gouvernement a dit qu’il n’y a eu aucune perte de résidence principale pendant les feux de forêt, mais ce n’est pas vrai. Il y a des pêcheurs et des chasseurs qui sont à temps plein dans le bois, c’est leur résidence principale. » Le Gouvernement de la nation crie cherche encore des solutions pour ces gens.

Une partie de nous-mêmes

Parmi les impacts culturels des gigantesques feux de forêt, on compte également l’annulation de pow-wow et de cérémonies des premiers pas ; certaines ne pourront être reportées.
« Il y a une connexion très forte avec le territoire, rappelle Éliane Grant. Perdre une forêt, c’est comme perdre une partie de nous-mêmes. C’est très douloureux. »
La biologiste a eu une pensée pour les Jamésiens avec qui les Cris partagent le territoire, évoquant entre autres son voisin de camp, Richard, qu’elle considère comme un gardien du territoire et qui a tout perdu.

Les savoirs ancestraux sur les brulages préventifs sont en voie de disparition parce qu’ils sont interdits et moins nécessaires. « Les ainés et les maitres de trappe me disent que, si ça n’a plus d’utilité, ça ne sert à rien de les transmettre, dit Mme Grant. Éventuellement, ça va être une perte. On a la chance d’avoir quelques écrits d’ainés, mais c’est minime. » Elle préconise que de la recherche soit faite dès maintenant pour préserver les savoirs du feu.

Le territoire

Fatalement, les dommages sur un aussi vaste territoire varient énormément d’un endroit à l’autre. Les surfaces brulées sur les lignes de trappe varient entre 1 % et 91 %, rapporte Éliane Grant. Étant donné la rareté des ressources, les herbivores auront tendance à se rassembler aux mêmes endroits cet hiver, ce qui donnera l’impression qu’ils sont plus nombreux.

L’espace qui devait faire partie de la future aire protégée de la rivière Broadback a presque entièrement été ravagé. Plus positivement, à Waswanipi, où la scierie est récemment retournée en opération, les terres de catégorie 1 ont été épargnées. « La foresterie pourra reprendre, conclut la biologiste. Ils seront parmi les seuls à avoir du bois vert pour les prochaines années. »

Éliane Grant a déploré que les plans d’aménagement pour la récolte du bois brulé soient prêts avant même que certains membres des Premières Nations cries aient pu retourner constater l’état des lieux et a souligné le danger de ruissellement causé par la compaction du sol. « Pour un bloc de coupe, ce n’est pas si mal mais, à la grandeur du bassin versant, il risque d’y avoir des conséquences », anticipe-t-elle.

Se préparer

Les scientifiques tendent à dire que des feux de forêt comme ceux de l’été 2023 ne seront désormais plus des évènements isolés. Des réflexions doivent avoir lieu sur la nécessité d’une formation accrue de pompiers forestiers dans les communautés, sur les demandes de ces dernières que les camps soient protégés, avance la chargée de résoudre les difficultés de communication avec le gouvernement, alors que ce qui n’appartient pas au langage bureaucratique n’est pas toujours justement considéré. « Quand on sent les feux maintenant, ce n’est plus agréable, c’est du stress, ajoute Éliane Grant, racontant son évacuation de l’été dernier à Roberval, la nécessité d’éduquer les enfants sur le phénomène et d’être prêts, bagages et essence, pour le prochain épisode. « Nous serons à risque dans l’avenir, ça va arriver encore, c’est certain », avance-t-elle.

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