Les coulisses de l’information durant les feux – Le maire Guy Lafrenière a trouvé difficile de vivre avec « l’imprévisible »

Malgré la fumée omniprésente pendant des semaines à Lebel-sur-Quévillon, le maire n’hésitait pas à travailler sur le terrain de concert avec les autorités gouvernementales.

Jamais Guy Lafrenière n’aurait cru vivre un jour une période aussi apocalyptique que celle qui a plongé Lebel-sur-Quévillon dans l’enfer des feux obligeant le maire à évacuer sa municipalité à deux reprises.

Le premier magistrat a ordonné une première évacuation le 2 juin dernier. Pendant 16 jours, ses résidents ont connu l’exil. De retour dans leur foyer le 18 juin, ils ont dû refaire leurs valises de secours le 22 juin pour revenir le 1e juillet, 9 jours plus tard.

« Dès les premiers jours, on a constaté que l’information transmise à la population n’était plus la même au moment de la diffuser tellement les choses allaient vite », explique le maire. « Souvent, lorsqu’on nous dressait un portrait de l’état des feux, elle [l’information] n’était plus la même au moment d’informer nos gens. Le feu, ça change d’idée toutes les heures. Ce n’est pas les gens qui géraient la situation et qui m’informaient… c’est la situation. L’immensité du feu était telle que tout pouvait basculer en quelques minutes. »

Le maire invité à quitter les lieux

Guy Lafrenière, tel un capitaine de bateau, est demeuré avec quelques personnes à Lebel alors que la population avait dû quitter la municipalité. Il raconte qu’une journée on lui avait dit que ça se passerait bien et de prendre cela « relax » et de se reposer, car ce serait une belle journée. Mais tel ne fut pas le cas.

« Quatre heures plus tard, la Sureté du Québec me téléphone pour me dire : « Ce soir, vous et les pompiers, vous ne couchez pas à Quévillon. Le vent a changé de direction.  » Tout le monde devait quitter la municipalité. » « C’est la nature qui, en fin de compte, nous donnait les lignes de communication. Ce fut très dur de bien informer la population. Il aurait fallu que je fasse un point de presse chaque deux heures. Les gens auraient dit que le maire était viré fou », ajoute le premier magistrat.

Des journées plus que difficiles

Le maire avoue ne pas avoir « filer » certaines journées. « Je faisais semblant que ça allait bien, mais ce n’était pas le cas. À plusieurs moments, la situation était catastrophique, mais je ne pouvais le dire et le faire ressentir aux gens. »
À cela s’ajoutent les commentaires, parfois négatifs, sur sa façon de communiquer.

« Il y en a qui disait que je ne m’exprimais pas bien en français et que je devrais faire attention. Je répondais aux gens que je parlais avec mes « tripes ». Je ne suis pas Justin Trudeau et je ne veux surtout pas l’être », explique-t-il en ricanant.

« Pour moi, il était important de dire à la population ce que je vivais. Les gens me connaissent. Nous sommes une petite population. Je suis resté fidèle à moi-même en demeurant naturel. Je répondais que je m’exprimais, non pas en visant à améliorer mon français, mais plutôt pour informer les gens. »

Ville fantôme

Le maire de Lebel-sur-Quévillon se souviendra toujours de la date fatidique du 2 juin où il a décrété le premier avis d’évacuation obligatoire. « Le soir, c’était la panique. Il a fallu évacuer tout le monde. Seuls sept pompiers, moi, le directeur des travaux publics et la directrice générale, avons pu rester sur place en compagnie des gens de la SOPFEU et de la SQ. Nous sommes deux à n’avoir pas dormi de la nuit. Quévillon était devenu un village fantôme », illustre le maire.

Le défi de la logistique

Dès le lendemain, un autre défi attendait Guy Lafrenière : celui de la logistique pour communiquer l’information aux citoyens en exil.

« Personne ne connaissait les rudiments de l’informatique. Nous avons essayé toutes sortes de choses tout en improvisant. Aujourd’hui, j’en ris, mais à ce moment-là, ce n’était pas drôle. »
Finalement, le maire a utilisé son téléphone pour utiliser la fonction Facebook Live.

« Les images n’étaient pas toujours claires et parfois croches, mais on a réussi à livrer l’information. »
Plus de 50 % du temps était consacré à la communication avec le public.

« Mes journées débutaient avec les premières entrevues à partir de 5 h 10. Pendant trois semaines, à 7 h, j’avais déjà sept entrevues de réalisées chaque jour en semaine, entre autres, avec des stations radiophoniques de Montréal. J’accordais mes dernières entrevues à 22 h », conclut le maire.

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