Le prêt gouvernemental est une déception

Les Écogites du lac Matagami souffrent encore de l’interdiction d’aller en forêt et de l’incertitude qui y est liée.

Le système gouvernemental de prêt proposé pour aider les entreprises ayant subi l’impact des feux de forêt est décrié, nombre de celles-ci auraient préféré des subventions.

Le 5 juillet dernier, à La Sarre, le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete, et la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, annonçaient que le gouvernement québécois investissait 50 M$ en prêt pour les petites et les grandes entreprises en situation précaire en raison des feux de forêt; on parle d’exploitants forestiers, du tourisme, du commerce de proximité, etc. Le fonds se divise en deux programmes : 20 M$ administrés par les MRC concernées et 30 M$ gérés par Investissement Québec.

Les entreprises doivent avoir été dans l’impossibilité de livrer plus de 50 % de leurs biens ou services ou de recevoir leur approvisionnement sur une période de quatre semaines consécutives.
Les termes de remboursement ont été présentés comme avantageux et le taux d’intérêt faible.

Un cadeau empoisonné

Danick Doyon est propriétaire des Chalets Pomerleau, sur le bord du lac Chibougamau, un site d’hébergement pour les pêcheurs, les quadistes, les amateurs de randonnée et de vélo de montagne. « Un prêt, c’est un cadeau empoisonné, déplore M. Doyon. On ne veut pas de dettes. C’est très décevant. » Beaucoup de ses collègues lui ont révélé être déjà sur leur marge de crédit, ce qui n’est pas son cas.

La gravité de la situation n’est pas comme lors de la pandémie selon son analyse, mais il aurait aimé que le gouvernement propose une aide comme lors de celle-ci, alors que les entrepreneurs remboursaient 75 % du prêt de 40 000 $. « On devrait avoir une subvention, mentionne-il. On a eu [lors de la fermeture des forêts] des frais fixes comme si on était en opération. »

Dire que ça va mieux

Malgré le rétablissement de la situation, Danick Doyon dit avoir eu beaucoup d’annulations en juillet, deux en aout jusqu’à maintenant. « Les gens sont inquiets, dit M. Doyon. Beaucoup m’appellent pour s’informer sur la qualité de l’air. Mais il y a eu seulement trois jours où l’air était mauvais. »

L’homme d’affaires considère que les médias devraient passer autant de temps d’antenne à montrer que la situation est rétablie que ce qu’ils en ont mis à parler de feux incontrôlables et d’évacuations. « Ce n’est pas de prêt dont on a besoin, souligne Pierre Chevrier des Écogites du lac Matagami. C’est la même histoire qui se répète que durant la pandémie. Ça nous prend des clients. Le temps, on ne peut pas le rattraper. S’ils donnaient 15 000 $, je serais content. »

Son site d’hébergement a été fermé deux fois depuis le début des feux et, au moment d’écrire ces lignes, son établissement est encore sous le coup d’une interdiction d’aller en forêt alors que, tout près, la baie Dunlop et le camping de Matagami sont ouverts.

Écouter le terrain

« Habituellement, assure M. Chevrier, c’est plein à 100 %. Là, j’ai des gens qui annulent en juillet et aout. [….] Je vais réhypothéquer ma maison. » Il dit être en dialogue avec l’Association touristique régionale.

Lors de la conférence de presse, le ministre Christopher Skeete a convenu qu’un prêt n’est pas l’idéal. « J’entends le terrain me parler de subvention », a-t-il ajouté. Nous sommes et resterons à l’écoute des besoins et des préoccupations des entreprises. […] Nous déploierons tous les efforts nécessaires et ajusterons nos décisions en fonction de l’évolution de la situation. »

Floraison manquée

Jean-Claude Villeneuve est président-directeur général du groupe d’entreprises BoreA, qui produit des huiles essentielles et a commencé à développer le créneau de la visite de ses installations situées à Chapais.

M. Villeneuve accueille positivement l’annonce du gouvernement, mais précise qu’il n’a pas encore eu le temps d’en décortiquer les modalités. « On s’attendait à quelque chose de la part du gouvernement », dit-il.

Ses huiles essentielles sont en majeure partie concoctées à partir de plantes locales, que l’entreprise et ses employés n’ont pu cueillir en raison de l’interdiction de circuler en forêt.
« On roule sur notre inventaire. Depuis le 29 mai, on n’a eu que quatre ou cinq accès à la forêt, ce qui nous a seulement permis d’aller chercher notre équipement. »
BoreA a raté la floraison des cerisiers de Pennsylvanie, qui poussent le long des chemins forestiers et dont on tire un additif pour la bière.

Thé du Labrador

Les employés de BoreA s’apprêtent à cueillir manuellement le thé du Labrador. Le Rhododendron groenlandicum est une des plantes les plus répandues dans le nord du Canada, mais l’entreprise a ses sites favoris où la matière est particulièrement abondante et l’arôme relevé. « Une partie des sites est encore interdite d’accès. Pour les autres, il y a le risque d’aller sur place et de devoir revenir avant d’avoir terminé. »

Les visites de l’entreprise ont été annulées en juin et juillet, mais doivent reprendre en aout et septembre.

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