Alors que le gouvernement de la nation crie boycotte les consultations sur la revitalisation des langues autochtones et exige des discussions de nation à nation, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits assurent que de telles rencontres étaient déjà prévues.
La première des quatre consultations annoncées par le gouvernement québécois a eu lieu à Val-d’Or le 1er mai dernier. Le gouvernement cri ne s’y est pas présenté et a émis un communiqué exprimant ses positions le jour même. En vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la Paix des Braves, a-t-il fait valoir, c’est un dialogue bilatéral, de nation à nation, qui doit avoir lieu. « Nous demandons courtoisement au bureau du ministre d’arranger une rencontre […] entre la province de Québec et les Cris, explique le commissaire à la langue crie, Jamie Moses. […] Si vous combinez quelques Premières Nations, ce n’est pas juste, ça divise le temps de parole […] et on parle des mêmes problèmes au lieu d’avancer des solutions. »
M. Moses souligne également que le fait que ces rencontres aient lieu en dehors du territoire cri et pendant le congé de la chasse à l’oie est problématique. Il considère en outre que les autres Premières Nations méritent également des rencontres bilatérales.
Des rencontres déjà prévues
Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits, Ian Lafrenière donne une version diamétralement opposée. « Près d’une quinzaine de rencontres bilatérales sont prévues d’ici le mois de juin, assure M. Lafrenière, avec des organismes, avec des nations, avec tous ceux qui nous l’ont demandée. » Ces rencontres étaient prévues avant que le gouvernement cri émette son communiqué, affirme-t-il.
Le ministre Lafrenière dit avoir reçu une demande en ce sens du gouvernement cri et lui avoir répondu formellement. Au moment d’aller sous presse, il attendait toujours une proposition pour une date de rencontre. Le gouvernement cri a été invité à expliquer et à commenter l’affirmation de M. Lafrenière, mais n’a pas répondu à La Sentinelle. Cependant, avant l’entrevue avec le ministre, la directrice par intérim des relations avec le Québec et les autochtones, Nadia Saganash, a mentionné que l’idée de rencontres bilatérales avait été mentionnée lors d’une réunion entre M. Lafrenière et les leaders autochtones.
Des ainés se prononcent
« À Val-d’Or, dit Ian Lafrenière, malgré le message de boycott, 82 personnes étaient présentes. Les gens nous ont dit ce qu’on devait faire, ce que l’on ne devait pas faire. Ils ont participé avec leurs idées. […] Plusieurs ainés m’ont dit que l’enjeu est tellement important qu’on ne peut pas se permettre de se chicaner là-dessus. »
Malgré l’opposition des Cris et de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), les consultations, dorénavant appelées dialogues, se poursuivront les 12 mai (Uashat), 26 mai (Montréal) et 16 juin (Kuujjuaq), en parallèle aux rencontres bilatérales.
Autodétermination et collaboration
Dans une lettre publiée par La Presse le 29 avril dernier, les chefs de l’APNQL, du Conseil des Attikamekw de Manawan et de la Première Nation de Gesgapegiag, Ghislain Picard, Sipi Flamand et John Martin, qualifiaient les consultations sur les langues autochtones de « fausse bonne idée », avançant que la démarche est menée au mépris de leurs droits inhérents à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale. Ils ont dit ne pas avoir été consultés et ont rappelé que le gouvernement québécois ne doit pas légiférer sans l’accord des gouvernements des Premières Nations. « Je comprends la crainte des chefs, commente Ian Lafrenière, je travaille dans un déficit de crédibilité de 400 ans d’histoire. »
Il se dit néanmoins en complet désaccord avec la position de l’APNQL voulant que le gouvernement québécois ne devrait jamais légiférer dans des dossiers autochtones. « La Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest ont tous légiféré en matière de langues et de cultures autochtones », soutient le ministre.
Il rappelle en outre qu’une législation québécoise, le projet de loi 79, permettra aux familles autochtones de savoir ce qu’il est advenu de leurs enfants disparus ou décédés suite à leur admission dans un établissement, que l’APNQL a elle-même demandé un quota de musique autochtone au CRTC et au gouvernement québécois. « Dans la dernière année, j’ai rencontré les chefs de l’APNQL à trois reprises pour leur rappeler notre intention, ajoute-t-il. […] Ultimement, ce sont les Premières Nations qui ont la responsabilité de protéger leur langue, mais si on travaille chacun de notre côté, ça ne donnera pas grand-chose. »
Ian Lafrenière dit ignorer pour l’instant quelle forme prendrait une loi sur les langues autochtones et même s’il y en aura une.