(Chronique rédigée par Marie-Claude Duchesne, bachelière en histoire.)
Afin de souligner les 100 ans de la fin de la Première Guerre mondiale, attaquons-nous cette semaine à un côté encore méconnu de la participation canadienne à la guerre : celle des nations amérindiennes.
Au déclenchement de la guerre en 1914, le Dominion canadien sollicita la participation volontaire de la population afin de venir en aide à la Grande-Bretagne. Beaucoup de membres des Premières Nations, ainsi que des Inuits et des Métis, s’engagèrent au sein du corps expéditionnaire canadien. Cela peut sembler étrange puisqu’en 1918, les peuples autochtones étaient marginalisés au pays et le statut d’Indien les privait de tous droits citoyens. Toutefois l’attrait de l’aventure, l’intérêt envers un salaire convenable ou l’enthousiasme de la guerre poussèrent l’enrôlement volontaire de milliers d’entre eux. Tout le monde croyait que la guerre serait courte.
Les défis de ces recrues étaient nombreux. L’éloignement géographique de certaines réserves représentait un obstacle en soit. Les soldats devaient aussi faire face à la barrière linguistique et au choc culturel. En effet, la vie militaire très hiérarchisée et hermétique était à l’opposé de cultures généralement plus égalitaires. Même si les volontaires étaient nombreux, il n’existait aucun bataillon spécifiquement dédié aux Amérindiens.
En 1917, devant le manque de soldats au front, le gouvernement canadien imposa la conscription. Celle-ci appliquée aussi aux peuples autochtones suscita une forte opposition. Pourquoi l’obligation de combattre si on n’est pas considéré comme un citoyen ? La mesure venait aussi briser les clauses de traités qui assuraient le droit de combattre librement. Souvent, les agents du gouvernement eux-mêmes ne se donnaient pas la peine d’appliquer la politique en raison de l’éloignement des réserves et des barrières linguistiques. Rapidement, le gouvernement du Dominion annula la conscription outremer pour les peuples autochtones. On estime à environ 4 000 le nombre « d’Indiens inscrits » ayant pris part au conflit. En comptant les Métis, les Inuits et ceux que l’on appelait les « Indiens émancipés », ce nombre s’élèverait à environ 7 000. Tous étaient volontaires.
Combattant aux côtés des soldats euro descendants, les « Indiens » étaient régulièrement cités pour bravoure et comme étant de bons frères d’armes. La société d’il y a 100 ans avait beau être discriminatoire, une fois dans les tranchées d’Europe, ils étaient égaux. Certains furent même reconnus à l’époque comme des héros de guerre. Le soldat le plus décoré de l’Armée canadienne en 1918, Francis Pegahmagabow était membre de la nation Anishinaabe. Ils étaient intégrés dans tous les corps de métiers, non seulement dans l’infanterie, mais aussi dans le génie, les services de santé, l’aviation, la marine…
Le retour fut difficile pour ces combattants. Au pays, ils retrouvèrent leur statut d’Indien, les replaçant dans la situation d’habitants de seconde zone. Ceux qui avaient pu voter aux élections fédérales, comme les autres soldats, perdirent leur droit de vote. Il y eut des cas de soldats qui, s’étant vu offrir des rations d’alcool avec leur bataillon, furent emprisonnés au Canada car cela contrevenait à la Loi sur les Indiens. Ils n’eurent pas non plus droit à leurs indemnités d’anciens combattants. Alors que ces derniers se voyaient octroyer des terres agricoles pour les réintégrer à la société, 160 000 hectares de ces mêmes terres avaient été confisqués aux réserves. En vérité, le gouvernement de l’époque reconnut peu l’apport des peuples autochtones au sein du corps expéditionnaire canadien et leur grande participation à l’effort de guerre. Ils seront, malgré tout, nombreux à s’engager au sein des rangs pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Mais ça, c’est une autre histoire!