La poursuite intentée par Ressources Strateco contre le gouvernement du Québec pour la perte de ses investissements dans le projet uranifère Matoush, en Jamésie, pourrait désormais coûter 200 M $ aux contribuables.
À la suite du moratoire décrété au printemps 2013 par le gouvernement péquiste de Pauline Marois sur le développement de tout projet de mine d’uranium sur le territoire du Québec, Strateco, qui avait pourtant franchi avec succès toutes les étapes destinées à opérer une telle mine dans les monts Otish, s’est retrouvée face à un mur. Le 11 décembre 2014, la société a donc déposé une requête pour réclamer de Québec le remboursement des quelque 190 M $ qu’elle avait investis jusqu’alors dans son projet.
Une décision purement politique et non légale
Or, le 23 février 2016, Strateco a décidé d’ajouter 10 M $ à sa réclamation, cette fois à titre de dommages punitifs. Selon la société, de nouveaux éléments de preuve démontreraient que Québec, au lieu de se baser sur le cadre légal établi, aurait refusé le certificat d’exploration avancée nécessaire pour le développement du projet Matoush sur la base d’un calcul politique.
«Le gouvernement a choisi de sacrifier en toute connaissance de cause Strateco et l’investissement de chacun de ses actionnaires, sachant fort bien que cette décision politique provoquerait la ruine de Strateco», a fait valoir la société.
Élément de preuve important
La requête amendée de Strateco s’appuie notamment sur le compte-rendu d’une réunion datée du 18 décembre 2012, à laquelle auraient participé la sous-ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs d’alors, Diane Jean, son sous-ministre adjoint, Jacques Dupont, le secrétaire général du gouvernement du Québec, Jean St-Gelais, ainsi que d’autres sous-ministres et sous-ministres associés.
Deux scénarios
Selon Strateco, cette réunion a donné lieu à deux scénarios possibles devant le projet de la société. Les révélations qu’on y retrouve ont été qualifiées de troublantes par le PDG de Strateco, Guy Hébert. «Cela démontre clairement qu’il s’agit d’une décision politique, contrairement aux prétentions avancées par le gouvernement dans sa défense», a-t-il commenté.
Advenant son autorisation, le gouvernement aurait admis que Matoush aurait peu d’impacts sur l’environnement, qu’il aurait généré des retombées économiques intéressantes et que cela aurait envoyé un signal clair du sérieux de l’État dans le développement du Nord.
Par contre, cela aurait provoqué le mécontentement du Grand Conseil des Cris et des groupes de pression comme Québec Meilleure mine, entraînant un risque d’opposition systématique aux autres projets de développement dans le Nord.
En cas de refus, au contraire, les groupes de pression et les Cris auraient été satisfaits et cela aurait donné un signal clair dans le sérieux du gouvernement dans son opposition à la filière nucléaire.
En revanche, le compte-rendu de la réunion mentionne qu’une décision négative mettrait en péril la survie de Strateco et qu’une action en Cour supérieure serait presque assurée, en plus de donner un signal négatif à l’industrie minière et de conférer de facto un droit de veto au Grand Conseil des Cris pour tous les projets sur son territoire. «Ce serait un précédent possiblement préjudiciable pour le Québec», peut-on lire.