La Grande Alliance a révélé des chiffres plutôt modestes sur la fréquentation des trains de passagers advenant le retour en usage de la ligne Grevet-Chapais et l’établissement de nouvelles voies ferrées dans le Nord-du-Québec.
Ces chiffres, ainsi que plusieurs études d’infrastructures potentielles de transport, seront présentés lors d’assemblées publiques en Jamésie en octobre et novembre.
Les statistiques de fréquentations des différents trajets ont été établies à partir de données du ministère des Transports du Québec, de consultations avec des communautés, entreprises et organisations cries et jamésiennes; elles prennent en considération les prévisions démographiques de l’Institut de la statistique du Québec.
« On a colligé une immense quantité d’informations », assure le responsable des communications de la Grande Alliance », Samuel Lessard.
En décembre dernier, une étude réalisée pour le compte de l’Administration régionale Baie-James recommandait d’instaurer un mécanisme de transport en commun intermunicipal facilitant « l’intégration de travailleurs », sans pour autant préconiser un type de véhicule. Le souhait de trains de passagers a été exprimé par des membres des Premières Nations cries.
Quatre trajets
Pour la ligne reliant Grevet (près de Lebel-sur-Quévillon) à Chapais, l’estimation est de 5 000 passagers annuellement, soit 13,7 au quotidien ou 96 sur une base hebdomadaire. La Grande Alliance avance aussi des chiffres pour une éventuelle voie ferrée entre Matagami et les rivières Rupert (1 700) et La Grande (7 000), à la hauteur de la route Billy-Diamond. Ces rivières bordent respectivement les communautés de Waskaganish et Chisasibi. « L’idée, détaille M. Lessard, est qu’il y aurait une gare près de l’embranchement de la route d’accès de chaque communauté, […] mais aussi la possibilité que le train s’arrête sur demande, surtout pour l’accès aux camps ou aux plans d’eau. »
Pour un relai ferroviaire entre Whapmagoostui et La Grande, la fréquentation anticipée annuelle est de 1 500 passagers, soit 28,8 par semaine.
À noter que le rail servirait aussi pour le fret.
Entre Grevet et Chapais
Une voie ferrée était jadis en opération entre Grevet et Chapais; le trajet serait modifié pour tenir compte de l’établissement de chalets au Lac Cavan et des motoneigistes. Les couts envisagés se chiffrent entre 5 M$ et 8 M$ du kilomètre pour un trajet de 165 km. Il faudrait remplacer quatre ponts, en restaurer cinq autres ainsi que 38 passages à niveau, composer avec les lignes de trappe. Le segment serait connecté à Senneterre et à Chambord.
Selon les estimés, quelque 600 000 tonnes de matériaux transiteraient par la voie ferrée, dont du concentré de spodumène et des copeaux de bois. 44 emplois seraient liés à l’exploitation du chemin de fer.
Autres infrastructures
Plusieurs autres projets d’infrastructures seront présentés en Jamésie, comme ils l’ont été lors d’une réunion du gouvernement de la nation crie le 23 septembre dernier. Dans Eeyou Istchee, plus de 300 rencontres ont eu lieu avec des organismes, des citoyens, des groupes focus et des utilisateurs du territoire. Chaque Première Nation possède un agent d’information communautaire. Plus de 10 000 pages de rapport ont été rédigées.
Parmi les autres infrastructures potentielles, on retient le prolongement de la 167 jusqu’à la route Transtaïga, la mise à jour des routes d’accès aux communautés à partir de Billy-Diamond et l’érection d’une route entre la rivière La Grande et Whapmagoostui-Kuujjuarapik.
Un projet de port en eau profonde près de ces communautés a été transformé en port saisonnier. « L’étude de marché nous a montré qu’il n’y avait pas de besoin pour un port à l’année, même dans un horizon de 25 ans, rapporte Samuel Lessard. […] On a opté pour un quai plus modeste, qui correspond aux besoins actuels, mais qui pourrait servir de base pour une infrastructure à plus grande échelle. »
Le glissement de terrain qui a eu lieu à la Grande Rivière de la Baleine en 2021, qualifié par M. Lessard de « plus gros glissement répertorié de l’histoire canadienne », a aussi été pris en considération et a motivé un changement de site puisqu’il est attendu qu’il cause une sédimentation dans le lieu initial.
Certaines des infrastructures au sud, comme Grevet-Chapais, peuvent exister de manière autonome, mais celles plus au Nord, comme le rail jusqu’à Whapmagoostui-Kuujjuarapik, ne seraient justifiées que par une connexion au sud.
Aucune décision
Le nombre de passagers ferroviaires anticipé ou les investissements en infrastructures ne justifient peut-être pas la réalisation de certains des projets. « Nous n’en sommes pas aux prises de décision à l’heure actuelle, précise le responsable des communications de la Grande Alliance. Nous avons fait l’analyse des études de faisabilité du grand réseau, on travaille à finaliser les couts. Au-delà des couts et de l’aspect technique, la faisabilité socioenvironnementale était importante pour nous. Il fallait prendre le feedback de la communauté et dire : « Si ça se fait, c’est à ces conditions ». L’objectif de la Grande Alliance est de mettre sur la table tous les chiffres, tous les alignements possibles. »
Ensuite, fait observer M. Lessard, ce sera aux communautés, aux municipalités, aux entreprises, au Gouvernement régional et au Grand Conseil de prendre position et d’établir des partenariats appropriés.
À partir du moment où une décision est prise et le financement trouvé, la réalisation d’un projet peut s’échelonner sur dix ans.
Prochaines consultations
Les dates de la tournée à Matagami, Lebel-sur-Quévillon, Chibougamau et Chapais restent à être déterminées. « L’équipe de la Grande Alliance est heureuse d’entamer la prochaine série de visites des communautés jamésiennes, qui fait suite à l’engagement intensif des communautés cries, fait savoir par voie de communiqué le président et chef de la direction de la Société de développement crie George E. Pachano. Au cours de cette tournée, nous serons en mesure de partager les résultats des études de faisabilité des infrastructures de transport, y compris les tracés des corridors proposés. Cette phase de communication est importante pour tous, car elle permet d’élargir le débat sur l’avenir des transports sur le territoire, en s’appuyant sur des données solides et factuelles. »
« La dernière fois qu’on est allés en Jamésie, c’était au cours de l’été 2022, rappelle Samuel Lessard. […] Les études et les analyses étaient en cours. L’objectif est de retourner et de présenter les résultats et de répondre plus précisément aux questions. C’est sensiblement la même chose que ce que nous sommes en train de faire avec les communautés cries. […] ».