Les derniers mois ont été mouvementés. En 2021, une fois par mois, je vous propose une anecdote insolite, curieuse, ridicule… et bien réelle. Cette semaine : la guerre des émeus, ou l’art de se faire plumer.
Australie, 1932. Un détachement de soldats est déployé dans les terres de l’Ouest. Ils sont pour la plupart des vétérans de la Première Guerre mondiale. S’ils sont rappelés sous les drapeaux, cette fois, c’est pour combattre… des oiseaux.
Dans les années 1930, une crise économique majeure – la Grande Dépression – frappe les populations du monde entier. Avec la hausse du chômage et la baisse de la consommation, le prix des aliments chute. Les agriculteurs australiens tentent alors d’augmenter leurs revenus en agrandissant la taille de leurs cultures. À l’Ouest, ils s’étendent donc sur des terres qui sont inoccupées… Du moins, c’est ce qu’ils croient.
Ces terres se trouvent en réalité sur la route migratoire des émeus. Vous savez, ces oiseaux gris qui peuvent atteindre 2 mètres de haut et qui ressemblent un peu aux autruches. À l’approche de la saison de la reproduction, c’est 20 000 oiseaux géants qui migrent et se retrouvent au beau milieu de ces nouveaux champs. Et quel festin pour eux ! Les milliers d’émeus s’en donnent à cœur joie dans les récoltes.
Face aux plaintes des agriculteurs, le gouvernement australien intervient… avec force. Il envoie un détachement de soldats armés de deux mitrailleuses pour exterminer les oiseaux. Mais voilà, l’émeu est un animal rapide qui peut courir jusqu’à 55 km/h et est plutôt résistant. Bilan de la première journée : pour des milliers de balles tirées, seulement une douzaine d’oiseaux abattus et une mitrailleuse enrayée.
Les jours suivants, les soldats reviennent à la charge. Ils installent la mitrailleuse restante sur un camion afin de poursuivre les gigantesques volailles à travers les champs. L’opération est difficile. Rouler sur ces terrains impraticables, à une vitesse importante pour les camions de l’époque, est très difficile. Les soldats qui doivent opérer la mitraillette sont secoués de tous les côtés. De plus, les émeus qui fuient se dispersent en petits groupes, rendant la tâche encore plus difficile aux soldats. Pire encore : avec toute cette agitation, les émeus endommagent la barrière antilapins qui protège les champs. Les semaines suivantes, des milliers de lapins s’invitent au festin et ravagent les récoltes.
Si l’armée revient le mois suivant, l’opération est encore un échec. L’armée australienne « qui vient de perdre une guerre contre des émeus » devient la risée du pays. Les oiseaux gagnent même la sympathie de l’opinion publique, qui se questionne : pourrait-on contenir les émeus autrement et avec moins de violence ?
En 1934, 1943 et 1948, les agriculteurs réclament encore le retour de l’armée, mais cette fois le gouvernement refuse. Finalement en 1953 des clôtures antiémeus sont finalement installées, réglant le problème une bonne fois pour toute. Une solution trop simple pour y penser?
Aujourd’hui l’émeu sauvage est une espèce protégée en Australie. Il est aussi élevé pour sa viande, son huile et ses plumes.
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