Projet minier du mont Sorcier – Aucun envoutement pour l’instant

Pour plusieurs intervenants, la montagne est un élément incontournable du paysage.

Des citoyens et une partie du conseil municipal de Chibougamau ont éreinté le projet d’exploitation de fer et de vanadium du Mont Sorcier lors d’une consultation de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) le 5 juillet dernier.

Voyager Metals (auparavant Vanadium One Iron) est une partie intégrante de la compagnie Cerrado Gold, basée à Toronto. Elle entend exporter à partir du mont Sorcier, au nord-est du lac Chibougamau, un concentré de fer (65 %) et de vanadium (.52 %), un minerai critique utilisé dans les alliages et les batteries.

Sur le site, en terre de catégorie III selon la Convention de la Baie-James et du nord québécois, on projette d’ériger une mine à ciel ouvert de fer de 1,5 km par 750 mètres et 400 mètres de profondeur, une usine métallurgique, deux haldes à stériles, un parc à résidus et un bassin de récupération des eaux usées.

Un train jusqu’à Saguenay

En plus des infrastructures énoncées précédemment, la construction d’une voie ferrée d’environ 49 kilomètres est prévue. Celle-ci rejoindrait un tronçon déjà existant et permettrait d’acheminer le concentré jusqu’au terminal maritime de Grande-Anse, sur le Saguenay. On parle d’environ un train quotidien de 160 wagons.

Il est anticipé que la mine du mont Sorcier produise 13 700 tonnes de minerai par jour, soit cinq millions de tonnes par année durant une vie de 21 ans. L’exploitation doit commencer en 2027.
Lors de la séance d’information publique du 5 juillet, le vice-président développement chez Voyager Metals, Hubert Vallée, a évoqué un projet « de l’ordre de grandeur de 750 M$ », qui emploierait 350 travailleurs

La fin de Cigam?

Si le projet va de l’avant, il aura un impact majeur sur le camping privé Cigam et ses 111 membres, qui sont en train d’investir près de 1 M$ pour refaire leurs fosses septiques. Le camping de la baie de l’Ours se retrouverait entre la halde à stériles et la fosse. « Avec ce projet, quand on regarde le plan, on n’existe plus », a commenté le vice-président du Club de campeurs Cigam, Jean-Benoît Gauthier, lors de la séance d’information. Ce n’est pas viable.»

M. Gauthier a demandé au promoteur s’il y avait un plan de compensation pour le camping, les propriétaires de la baie Machin et la pourvoirie Pomerleau. « On peut cohabiter pour les cinq à 10 prochaines années […] mais, à moyen terme, il faudra trouver une solution et une façon pour compenser », a convenu Hubert Vallée. Il a rappelé qu’il avait trouvé une solution dans une situation analogue, lors de la création de la mine du lac Bloom, à Fermont en 2010.

On ne peut pire

Daniel Guay s’est présenté comme un citoyen ayant une propriété près de l’éventuelle exploitation. « On ne peut pas trouver pire endroit pour un projet, a-t-il avancé. […] On est dans le bassin versant d’un lac qui a subi 100 ans de stress minier, avec la baie McKenzie, la rivière France. On enlève tous les arbres. L’impact environnemental et social potentiel ne peut pas être pire. […] La valeur de ma propriété dépend de la nature sauvage et de l’environnement. [….] Ça me préoccupe beaucoup, beaucoup. J’ai peur que d’aller de l’avant avec ce projet soit de répéter les erreurs du passé. »

Le conseiller municipal, Alain Poirier, a surenchéri. « Le lac Chibougamau est un joyau, c’est notre fleuve Saint-Laurent et il y a beaucoup d’utilisateurs, a plaidé le conseiller. […] La montagne va disparaitre complètement du paysage et on ne pourra pas le restaurer. Je ne suis pas un fervent admirateur de ce projet. »

Répondant à une question de M. Poirier, M. Vallée a révélé que l’option d’une mine souterraine avait été envisagée, mais qu’elle augmenterait considérablement le nombre de travailleurs nécessaires et ne serait plus rentable, en plus de ne pas offrir la garantie de sauver la montagne.

Navettage et tourisme

Les conseillers municipaux, Stéphane Hudon et Claude Girard, ont tenu des propos similaires, le premier parlant des impacts sur le tourisme et de retombées financières amoindries par le navettage, le second disant ne pas constater d’acceptabilité sociale pour le projet. « Pour moi, ça ne passe pas », a conclu M. Girard. « On va travailler avec Chibougamau et Chapais pour avoir le maximum de travailleurs qui resteront sur place », a promis M. Vallée.

La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, n’a pas mâché ses mots, reprochant le caractère peu détaillé du projet et le doublon avec les procédures provinciales. « Avec la Convention de la Baie-James, on est habitués à une certaine procédure et à ce qu’on nous arrive avec des projets plus élaborés. Mon message pour M. Guilbault [ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada], c’est que je trouve ça pathétique qu’on n’est pas capable en 2023 d’arrimer une consultation fédérale et les procédures en territoire conventionné. […] Je suis extrêmement déçue de voir comment on prend un projet qui en est à ses balbutiements. »

Des juridictions différentes

Cependant, le fédéral évalue certaines choses que ne fait pas le provincial, lui a rétorqué Mireille Lapointe, de l’Agence d’évaluation d’impact, et certains éléments comme les poissons, les oiseaux migrateurs et les voies navigables sont de juridiction fédérale. « C’est voulu de travailler ensemble la conception d’un projet pour ne pas arriver à la fin et déplacer des choses », a ajouté sa collègue, Caroline Chartier.

Le directeur général de la Table jamésienne de concertation minière, Régis Simard, a fait observer que, sans une seconde transformation locale, l’impact des couts de transport et les émissions de gaz à effet de serre d’un aussi grand tonnage transporté par train sur 450 kilomètres seraient énormes.

Agenda

Le public et les parties prenantes auront plusieurs occasions pour transmettre leurs commentaires tout au long des cinq étapes d’analyse du projet. Actuellement, l’échéance pour remettre des commentaires est le 14 juillet; des demandes d’aide financière pour recueillir des données, les déplacements, les honoraires des experts juridiques sont possibles jusqu’au 21 juillet. Trois jours plus tard, un sommaire des questions et commentaires du public sera diffusé; le promoteur aura jusqu’à l’automne pour y répondre. La décision sera ensuite prise si une évaluation d’impact a lieu et il y aura une autre consultation publique sur les lignes directrices.

Le comité conjoint qui évaluera le projet est formé par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada et le gouvernement de la nation crie. Il remettra ses recommandations au ministre de l’Environnement et Changement climatique Canada, qui prendra une décision dans l’intérêt du public. « En gros, le processus d’approbation va durer trois ans », anticipe Hubert Vallée, qui parle d’une mine plus grosse que celle de Troilus.

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