C’est une soirée incroyable, une grande réussite qu’a vécue un membre de la nation crie de Whapmagoostui, Pakesso Mukash, en chantant l’hymne national du Canada en trois langues lors d’un match des Canadiens de Montréal, le 26 mars dernier.
Pakesso Mukash, entre autres interprète et musicien, a chanté des segments de l’hymne en français, en cri et en anglais. « J’étais nerveux, confie M. Mukash. Je traverse le corridor et j’entre sur la patinoire, il y a 21 000 personnes autour de moi, les Maple Leafs à ma droite, les Canadiens à ma gauche. Je commence à chanter, j’essaie de me calmer, pis à un moment donné, les fans commencent à chanter avec moi. À la fin, je ne m’entends plus. Et les Canadiens gagnent, contre Toronto en plus! » « Quand je suis sorti, poursuit-il, Geoff Molson m’a fait un fistbump et m’a dit : « Bonne job, man »! Je savais que j’avais faussé un petit peu, mais ce n’était pas grave, la foule avait embarqué. Il y avait une victoire dans l’air. »
Un honneur
Des spectateurs ont reconnu Mukash alors qu’il regagnait une loge du Centre Bell ; certains – des Québécois, précise l’interprète – lui ont serré la main en lui disant que c’était un honneur pour eux d’avoir été témoins de cet évènement.
« Dans la loge, tous mes amis m’ont pris dans leurs bras, se rappelle Pakesso Mukash. Tout le monde était fier. »
Son père, Matthew Mukash, ancien grand chef de la nation crie, était parmi eux. « Au début, il disait qu’il regarderait ça à la télé, mais je lui ai dit « Ton fils va faire l’histoire, ce serait bien que tu sois témoin!» En plus, c’est un grand fan du Canadien! »
Un événement
Le match du 26 mars contre les Maple Leafs de Toronto était joué dans le cadre de la Soirée de célébration des peuples autochtones. Pendant le réchauffement, les joueurs du Canadien portaient un gilet orange, couleur associée à la réconciliation, créé par un artiste mohawk. Plusieurs artistes autochtones ont fait des performances et des chefs des Premières Nations ont assisté à la partie.
Le Canadien, une des plus grandes franchises de sport au monde, a reconnu les Autochtones et leur a donné la parole, rappelle M. Mukash. « Le Canadien a tellement réussi, c’était une soirée incroyable, dit-il, toujours ému quelques jours après l’évènement. Et ça ouvre la porte pour des évènements futurs… et de meilleurs chanteurs ! »
Une expérience du public
Pakesso Mukash, candidat à la chefferie de la nation crie à l’été 2021, n’en était pas à ses premières expériences publiques. Membre du groupe musical autochtone Ceremony (avec son beau-frère le chanteur Matthew Iserhoff), il a joué au 375e anniversaire de Montréal où il y avait, selon son estimation, entre 20 et 30 000 personnes, et pour le 150e du Canada.
Le monsieur est un grand fan des Canadiens; il a assisté à des matchs importants de leur histoire, dont celui du centenaire; il avoue avoir trop dépensé trop d’argent pour aller voir Montréal battre Toronto dans le sixième match des séries.
« Je ne suis pas un chanteur comme tel, concède M. Mukash, c’est un peu évident quand tu regardes les vidéos. Ce n’était pas un rêve de chanter au Centre Bell, mais quand je faisais de l’électro, je me disais que ça serait le fun qu’une de mes tounes passe au Centre Bell. […] Ils ne m’ont pas pris pour ma voix, mais je parce que je suis trilingue. »
Travail d’adaptation
L’interprète, qui a traduit lui-même les paroles de l’hymne d’Adolphe-Basile Routhier, était conscient des enjeux d’interpréter une telle chanson et savait qu’il aurait droit à des critiques de militants autochtones.
« C’était très important de traduire les bonnes paroles, précise-t-il. C’est un évènement réconciliateur. Je ne peux pas chanter car ton bras sait porter l’épée et la croix en cri quand on sait ce qu’on a vécu à travers la religion et les églises. » Par exemple, Pakesso Mukash a traduit « terre de nos aïeux » par quelque chose qui, en cri, signifie « la terre dont on est responsables ». Il a également trouvé une alternative aux « brillants exploits » de l’hymne.
Représentation
« Je ne voulais pas gêner personne, affirme M. Mukash. […] Le but, c’était de représenter tout le monde. […] Normalement, je dis que je suis cri et abénaquis, c’est rare que je vais mentionner que je suis québécois, parce que les Québécois sont assez représentés au Québec! Mais après les semaines passées avec mon équipe [de la cour de justice itinérante], je suis devenu un peu plus fier d’être québécois, parce que c’est vrai qu’on a partagé beaucoup de choses. […] Je ne l’ai pas fait pour moi. Je l’ai fait pour mon peuple, tous les peuples autochtones, et ça inclut les Québécois. »