Guide d’aventures, fana de rame et d’aviron, Bruno Forest, consacre son premier livre à l’histoire des Canots Tremblay, fabricant du célèbre modèle Chibougamau.
Manufacturier installé à Roberval puis à Saint-Félicien, les Canots Tremblay ont fabriqué, durant environ 90 ans des chaloupes, des fréteurs et des canots, dont le modèle Chibougamau vendu jusqu’aux États-Unis. « Inspiré du canot sauvage, avance un vieux catalogue d’époque, ce modèle a été fabriqué par milliers… le canot Chibougamau répond aux besoins des sportifs, prospecteurs, forestiers et excursionnistes… ».
Bruno Forest, aussi organisateur du Carnaval de Tadoussac, rêvait déjà de se construire un canot de toile lorsqu’il a repéré un modèle Chibougamau à vendre à Saint-Félicien. « Le canot de toile, dit Forest pour expliquer son intérêt, c’est l’héritier du canot d’écorce. Il en a gardé la silhouette, la structure. […] C’est un objet paradoxal qui représente exactement la frontière entre deux époques. Il ne peut exister qu’à cause des procédés manufacturiers et de l’implantation des industries mais, en même temps, il ne sert que dans la mesure où les territoires sont encore libres et où il y a encore des gens qui vivent de nomadisme, les Innus, les nomades, les prospecteurs. »
Chargé de symbolique
À Saint-Félicien, Bruno Forest découvre la nostalgie et la fierté des gens pour les canots Tremblay. Il finit par rencontrer des artisans qui les ont jadis fabriqués, dont Magloire Tremblay, 94 ans, le fils du fondateur de la compagnie. S’il croyait écrire un simple article sur la fabrication de canots, l’idée d’un livre s’impose plutôt, fondé sur une dimension historique.
Pour son auteur, l’histoire de cette famille Tremblay est celle de la colonisation du lac Saint-Jean. « Le livre commence avec l’ouverture du Domaine du Roy à la colonisation, raconte-t-il. Puis les colons de Charlevoix s’aventurent dans le Saguenay et la génération d’après s’en va au lac Saint-Jean. »
Un canot, de surcroit, c’est un objet très symbolique, avance Forest qui, lui-même, compte pagayer de Tadoussac à Waskaganish l’été prochain. « C’est pas comme une perceuse ou un robot culinaire, dit-il. C’est un objet chargé de sens et d’histoire. Quand les gens regardent leur canot dans leur garage, ils pensent à leurs souvenirs d’expédition, de jeunesse, de pêche, […], à ce que ça symbolise dans l’histoire. […] Ça fait résonner beaucoup de choses. »
Âge d’or et déclin
La plus ancienne archive retrouvée par Bruno Forest date de 1914 alors que les canots étaient fabriqués à Roberval. Le canot de Chibougamau connait un déclin vers les années 50, alors que la route pour Chibougamau est construite, que les canots d’aluminium, de fibre de verre et de plastique envahissent le marché. La fermeture définitive a eu lieu en 2000, selon M. Forest. Entre ces deux époques, le manufacturier connait quelques regains avec, par exemple, un centre de travail adapté et, plus tard, un groupe d’artisans moins soucieux de rentabilité.
Dans les années 90, selon l’auteur, les vieux Autochtones continuaient d’acheter le Chibougamau. « Parce qu’il est plus silencieux, explique-t-il, tu peux approcher plus facilement les animaux ou les poissons. […] Il n’y a pas de choc avec l’aviron ou sur les roches; c’est comme marcher en mocassin dans la forêt. » Lui-même affirme avoir récemment descendu la rivière Ashuapmushuan vers Chibougamau. « On a fait tous les rapides, assure-t-il; ça a très bien été. C’est sûr qu’il faut en prendre soin. Ça pardonne moins, tu ne veux pas rentrer dans une roche, tu fais attention. […] C’est plus fragile, mais il y a une beauté, une espèce d’harmonie avec l’environnement. C’est magique. »
De riches rencontres
Lors de l’entrevue, Bruno Forest se préparait à lancer son livre à Montréal, Chicoutimi et Québec. Lors du lancement du 29 octobre au Maître Renard, il dit avoir rempli la salle.
« Ça a attiré plein de passionnés, se réjouit l’auteur, ça fait des belles conversations, liées à un canot Tremblay qu’ils ont déjà eu, ou simplement avec des aventuriers de canot, de kayak. Ça cimente une communauté autour d’un symbole. Les rencontres que je fais sont très riches. »