Revenir à une vision plus nationale

Les lieux de consultation du corridor nordique canadien. Photo : Katharina Koch (Courtoisie)

Il faut revenir à une vision plus nationale du corridor nordique de transport pour que le Canada et le Nord-du-Québec puisse réaliser leurs potentialités dans le contexte actuel des ressources naturelles.

C’est du moins l’analyse du directeur général de la Table jamésienne de concertation minière (TJCM), Régis Simard.
Les propos de M. Simard ont été recueillis alors que l’École de politique publique de l’Université de Calgary vient de rendre public The canadian northern corridor community engagement program : results and lessons learned (anglais seulement). Des consultations ont été menées virtuellement et en personne en 2022 dans 18 communautés du Canada central et nordique, dont Chibougamau sur le projet de corridor nordique canadien.
À la base, ce corridor se présente comme un futur réseau septentrional pancanadien de transport routier, ferroviaire et pipelinier, de télécommunications et de distribution d’électricité, connecté au sud. Accédant à trois océans, le corridor permettrait d’accroitre les exportations sans passer par les États-Unis; ses promoteurs avancent qu’il diminuerait le cout de la vie dans le nord et favoriserait la souveraineté canadienne en Arctique.

Les besoins régionaux

Or, le concept a évolué avec le temps et les consultations; l’idée d’un ensemble nordique d’infrastructures perdure, mais s’y inscrit désormais l’idée d’une cohésion régionale, au point où les auteurs de la recherche recommandent maintenant des investissements fédéraux dans une évaluation basée régionalement pour déterminer les priorités locales en infrastructures.
« Le développement d’infrastructures à grande échelle pourrait bénéficier d’une approche sensible aux besoins des régions », peut-on lire dans le rapport de consultations, peu diffusé jusqu’à maintenant.

« On a entendu parler du désir de coopération accrue entre le nord de l’Alberta et le sud des Territoires du Nord-Ouest, entre le nord du Québec et le Labrador, énonce la chercheuse et coauteure du document de synthèse, Katharina Koch. […] Les gens aiment généralement l’idée d’un corridor nordique, mais il y a beaucoup de préoccupations sur comment ça pourrait se faire, […] avec les différences de règlementation d’une province ou d’un territoire à l’autre. »

Vision nationale

« Je n’adhère pas à une vision comme celle-là, affirme Régis Simard, précisant tout de même qu’il valorise l’idée d’une cohésion régionale. Je vois dans le rapport qu’on est dans une vision locale qui devrait nous emmener vers une vision nationale, mais il va falloir qu’on exprime une vision nationale pour être en mesure de mettre en valeur notre territoire nordique et nos ressources. […] Il y a un facteur d’urgence. Au niveau identitaire, nous sommes un pays axé sur les ressources naturelles; si on veut jouer un rôle sur la planète et être plus compétitif, ça prend plus de leadership et une vision nationale. »
« Le Canada s’est bâti d’un océan à l’autre avec une voie ferrée à 200 km de la frontière avec les États-Unis, explique Régis Simard. […] Il faut repenser nos infrastructures de transport et ça passe par un corridor de transport nordique. C’est comme ça que le Nord- du-Québec, politiquement parlant, va faire partie du discours. […] Et ça prend des usines de transformation de calibre international. »

Manque de synergie

Pour le directeur général de la TJCM, cette dynamique de régionalisation explique le manque de synergie entre des projets comme le Corridor de transport nordique, QcRail et la Grande Alliance.
« L’équipe du corridor nordique canadien ne sait pas ce qu’est la Grande Alliance et ne réfère pas à QcRail, déplore-t-il. Dans les rencontres de la Grande Alliance, il n’y a aucune référence au concept de corridor de transport nordique. […] Il n’y a aucune interrelation entre les études et les visions de ces trois concepts. J’ai de la misère à comprendre ça. Si on ne s’arrime pas, j’ai de la misère à croire qu’on puisse en arriver à un résultat concluant. Il faut être capable de se placer dans une perspective nationale, autant pour des aspects négatifs que positifs. »

Un focus autre

« La Grande Alliance (LGA) a pris connaissance de l’étude du corridor nordique l’an dernier et de leurs résultats de septembre dernier, mais n’a pas pris part aux consultations puisque notre travail consiste aussi à réaliser une étude, et non à partager notre opinion, rétorque le responsable des communications de l’organisme, Samuel Lessard. Nous n’avons pas été contactés par leur organisation; cela dit, nous encourageons l’utilisation de nos résultats par tous les acteurs intéressés par la question de l’équilibre en protection et développement sur le territoire, en lien avec la recommandation du Corridor nordique « d’investir dans des évaluations régionales afin de déterminer les priorités locales en matière d’infrastructures ».

Du social au financier

LGA souligne appuyer l’obtention du consentement préalable, libre et éclairé des populations autochtones et non-autochtones et l’intégration des connaissances et besoins locaux dans le développement.
« (LGA) est un programme de réflexion sur le développement d’Eeyou Istchee, qui se concentre sur les réalités et tendances socioéconomiques régionales, poursuit M. Lessard. Nous appuyons tous les processus du même genre, à l’échelle régionale ou pancanadienne, particulièrement s’ils intègrent les critères sociaux et environnementaux aux analyses techniques et financières. »
Les prochaines consultations de la Grande Alliance auront lieu à Matagami le 21 novembre et à Lebel-sur-Quévillon le 23 novembre.

Un faible nombre de participants

En personne et de manière virtuelle, 180 personnes ont participé aux consultations. « Plus le chiffre est haut, mieux c’est, concède Katharina Koch, mais nous n’avons jamais cherché à atteindre un chiffre significatif d’un point de vue statistique. » Huit personnes participaient à la consultation virtuelle de Chibougamau et de Chapais, provenant notamment des secteurs du développement économique, de l’exploitation minière et de la protection de l’environnement. « Une des choses qui est ressortie, souligne M. Simard, c’est la nécessité d’avoir des arguments un peu plus mesurables sur la pertinence d’un corridor de transport nordique. »

Les participants ont également noté que la faible présence de voie ferrée nuit à la rentabilité des mines; ils ont abordé leur manque de représentation dans les décisions, prises plus souvent au sud.
Ailleurs au Canada, les participants ont aussi abordé les thèmes de la démographie, de l’environnement, de la connectivité, du colonialisme.

Le financement du projet de recherche, fourni par le Conseil de recherches en sciences humaines et le gouvernement de l’Alberta, est arrivé à termes cette année. L’équipe cherche à financer une seconde phase.

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