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Prêt pas prêt

Par Frédéric Maltais

Enfant, nous avons tous joué à cache-cache. C’est un jeu très formateur par lequel nous apprenons différentes facettes de la vie comme la permanence des choses, la manipulation et la diversion.

Permanence des choses

Pour un poupon, ce qu’il ne voit pas n’existe pas. Ainsi, le simple fait de se couvrir les yeux lui donne l’impression que le monde autour de lui disparait.

Depuis le 17 octobre dernier, nous avons, en quelque sorte, retiré les mains qui couvraient nos yeux. Nous avons accepté collectivement de voir une situation qui existait et qui, même si nous avions tenté de mettre nos mains encore plus fort sur nos yeux, aurait continué d’exister quand même.

La légalisation du pot reste pour l’instant un peu taboue et l’acceptation ne se fait assurément pas dans toutes les strates de la population. On le constate à voir la quantité de municipalités qui ont voté différents règlements visant à limiter la consommation de cannabis sur leur territoire. Même si, d’un point de vue de santé publique, plusieurs experts s’accordent pour dire que restreindre les lieux extérieurs où peut être consommé le cannabis augmente les chances que la consommation se fasse en lieu clos. Les effets négatifs de la fumée secondaire sont par le fait même accrus dans l’entourage des consommateurs.

Au moins, les élus auront démontré leur sens des responsabilités aux électeurs en leur disant : « Attendez un instant. Nous ne pouvons pas enlever nos mains d’un seul coup comme ça. La quantité de lumière dans nos yeux pourrait nous brûler la rétine. »

Manipulation

Plus tard dans son développement, l’enfant développe la capacité de se représenter le point de vue des autres. Il affute donc ses stratégies pour rendre ses cachettes plus efficaces.

Heureusement, que le Gouvernement du Québec est là pour veiller sur nous en s’assurant de bien dissimuler sous les couvertures et derrière les portes de garde-robes les choses qu’il faut garder bien cachées. En haussant l’âge légal pour acheter du cannabis à 21 ans, le gouvernement ne règle pas le problème de la consommation chez les jeunes. Il rassure simplement une partie de la population qui voit d’un mauvais œil ce nouveau paradigme.

Il est vrai que le pot comporte son lot de risques sur le développement cérébral des jeunes adultes et qu’il faut y porter une grande attention, mais soyons réalistes. Ça existait avant le 17 octobre et les jeunes y ont toujours eu largement accès et ce sera encore le cas même une fois légal. Surtout que, au rythme où l’état gère l’approvisionnement de ses boutiques, les jeunes auront tous largement 21 ans le jour où ils pourront s’approvisionner dans une SQDC.
L’éducation et la prévention restent les meilleurs outils pour élever une société. Et l’éducation ne peut se faire qu’en ouvrant les yeux.

Diversion

Dans les dernières phases de notre période de cache-cache, nous sommes plus fins, plus rusés. Nous maitrisons l’art de distraire notre adversaire. Des petits cris dans le coin d’une pièce pour ensuite courir vers l’autre coin de la pièce afin de berner ceux qui nous cherchent.

Du bruit, de la distraction et de la distorsion, il y en beaucoup dans notre monde. Nous n’avons qu’à penser au fameux Pacte pour la transition.

Une bande d’artistes qui font des voix de camion, des sauts en parachute et des carrières à Vegas viennent nous dire que nous devons faire notre part pour limiter les effets de notre rythme de vie sur l’environnement.
« Non, mais t’sais, pour qui ils se prennent eux autres! »
Pendant que les scientifiques nous disent à l’unisson que la situation est critique et que nous devons agir rapidement, notre premier réflexe est de discréditer de facto un groupe influent de la société civile qui souhaite créer un mouvement pour pousser les individus et les instances à agir.

Il faut admettre qu’à première vue le pacte peut être risible, mais le fait que chacun des individus ait ses propres travers environnementaux ne devrait pas faire ombrage à la question de fond : « Ensemble, que pouvons-nous faire? ».
Nous constatons que 60% des animaux de la terre ont disparu dans les 50 dernières années. Nous voyons les glaciers fondre et les océans monter à vue d’œil. Nous regardons passivement sur notre fil Facebook des vidéos d’amas de plastique voguant dans les mers. Nous lisons les rapports de scientifiques qui nous disent qu’une hausse envisageable de 2 ° C de la température globale aurait des conséquences dramatiques sur nos vies. Nous regardons sur YouTube pendant de longues minutes des tortues se faire extraire des pailles du nez et d’autres animaux subir les contrecoups de l’activité humaine.

Mais, par le biais des médias et des faiseurs d’opinions, nous dénigrons ceux qui tentent d’adresser le problème d’un point de vue collectif. Nous ne sommes pas nous. Nous sommes je. Et ce JE préfère regarder le prestigiateur qui, en nous distrayant avec sa main gauche, fait apparaitre avec sa main droite une pièce d’un dollar derrière notre oreille.

En somme, tout ce que nous avons appris en jouant à cache-cache quand nous étions petits reste en nous en vieillissant. Nous le nommons simplement en langage adulte : l’hypocrisie.

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