Alors que se profilent les élections municipales de novembre 2021, il reste encore du travail à faire pour atteindre la parité entre les hommes et les femmes en politique municipale, dans le Nord-du-Québec comme dans l’ensemble de la province.
Dans notre région, les femmes représentent 36 % des conseils municipaux alors que, selon des statistiques de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) datant de 2017, elles sont 34,5 % à l’échelle de la province. Au niveau de la mairie, le Nord-du-Québec ne reflète pas le Québec, avec seulement 14 % d’élues comparée à 18,8 %.
Il y a parité à Chapais, Lebel-sur-Quévillon et Radisson, alors qu’aucune femme n’a été élue à Villebois.
« Même si les hommes prennent de plus en plus de place à la maison, c’est encore les femmes qui s’occupent le plus des tâches familiales » , analyse la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, lorsque interrogée sur ce qui restreint les femmes d’investir davantage la politique municipale. « Nous n’avons pas un système très conciliant pour ça. Dans le futur, il va falloir adapter les moments de rencontre. »
Elle ajoute que l’organisation du travail dans le Nord, alors que les hommes sont souvent partis durant deux semaines, complique encore les choses.
D’elles à élues
L’unique mairesse du Nord-du-Québec fait partie du conseil d’administration de l’UMQ, dont la campagne D’elles à élues a pour but de « faire émerger chez les femmes le sentiment de confiance en elles nécessaire à se lancer aux prochaines élections municipales ». Cette campagne passe notamment par la tournée Femmes et gouvernance, qui permet de rencontrer plusieurs élues. D’ici quelques semaines, plusieurs évènements virtuels seront annoncés dans ce cadre. En attendant, le site Internet de l’organisme contient une bande dessinée qui démystifie, de manière ludique, la politique familiale ainsi que plusieurs entrevues de fond avec des élues.
C’est gratifiant
Pour Roxanne Tremblay, qui en est à un second mandat comme conseillère municipale à Chapais, il faudrait faire de la publicité positive pour attirer les femmes en politique municipale. » C’est gratifiant et valorisant. Ça te donne l’impression de contribuer à la communauté », dit-elle. Un constat partagé par Manon Cyr. « Les décisions prises à l’hôtel de ville ont un impact quasi instantané sur tes citoyens, affirme-t-elle. La politique municipale, c’est là que tu peux faire des choses pour tes citoyens, dans la qualité de vie, dans le quotidien. » Comme Manon Cyr, Mme Tremblay constate que, de plus en plus d’hommes effectuent les tâches domestiques, ce qui facilite l’implication des femmes en politique. Elle voit à Chapais quelques jeunes femmes qui s’intéressent au domaine et pourraient éventuellement prendre la relève. Mme Tremblay considère qu’une bonne représentation de la population ne passe pas que par les genres, mais aussi par la multiplicité des générations.
Les médias sociaux
Tant Roxanne Tremblay que Manon Cyr soulèvent l’impact négatif qu’exercent les médias sociaux sur la politique, au point où cette dernière affirme qu’ils peuvent contribuer à une diminution de l’engagement chez les femmes et les jeunes.
« Les réseaux sociaux, observe la mairesse, c’est beaucoup d’instantané, c’est beaucoup de jugements gratuits sans voir l’ensemble de l’œuvre. Les gens se permettent de dire des choses qu’ils n’osent pas te dire quand ils te voient. »
« Y a beaucoup des gens qui me disent : « Avant d’être maire ou conseiller, je vais faire d’autres choses dans la vie ». […] Ça prend une carapace. Ça se développe avec le temps, mais on reste des êtres humains pareil. »
« Ça serait le fun que les gens viennent nous voir et nous posent des questions, souhaite la conseillère municipale de Chapais. J’ai arrêté de lire. Je fais au meilleur de mes connaissances. »
Le syndrome de l’imposteur
D’abord élue comme conseillère en 2005, Manon Cyr devenait la première mairesse de l’histoire de Chibougamau en 2009 et termine aujourd’hui son troisième mandat. » Comme femme, commente-t-elle, on a peut-être le syndrome de l’imposteur. On est moins enclines à se présenter mais, une fois dedans, on se dit « c’est faisable par du monde! »
Elle se rappelle que, lors de sa première candidature, les gens se demandaient si Chibougamau était prête pour une mairesse; cependant elle avait bénéficié des appuis d’hommes et de femmes croyant à ses compétences et à son expérience.
Plus de 54 % de la population de Chibougamau avait voté à l’époque, et 63 % d’entre elle l’avaient choisie.
Reste qu’encore aujourd’hui, selon Mme Cyr, des comportements tolérés pour des hommes sembleront illégitimes si ce sont des femmes qui les commettent.
Des deux côtés de la caméra
Roxanne Tremblay a filmé durant 10 ans les séances du conseil municipal de Chapais. Ensuite, l’élection de Steve Gamache, avec la dynamique qu’il apportait, lui a donné envie d’aller de l’autre côté de la caméra. Elle affirme ne jamais s’être demandée si ça serait difficile en politique pour une femme. « Je n’avais pas dénoté ça quand je filmais, dit-elle. Je n’avais pas ressenti de sexisme. »
Roxanne Tremblay rappelle que Chapais a un très bel historique de gouvernance féminine. Marie-Rose Noël, Anita Pedneault et Louise Saucier ont occupé le plus haut poste dans le passé et l’égalité des genres a souvent été atteinte au conseil. La Ville a actuellement une directrice générale et une directrice générale adjointe.
« C’est très respectueux, commente Mme Tremblay. On se complète bien. Ça ne veut pas dire qu’on ne s’obstine pas! Mais le désaccord peut être constructif. On peut faire voir les choses aux autres d’une façon différente et vice-versa. »
Elle avoue n’avoir jamais eu peur de donner son opinion.
La parité est disparue avec la démission de Lucie Tremblay, pour des raisons de santé. Roxanne Tremblay ignore encore si elle se représentera en novembre prochain. « Mais on a de beaux dossiers, confie-t-elle, j’aimerais les voir aboutir. »