Accusé de trafic, possession en vue de trafic de diverses substances et de possession d’armes à feu sans permis, Gilbert Senneville a vu presque toutes les accusations qui lui étaient reprochées être retirées. C’est suite à une décision du juge Michel Boudreault rendue le 29 avril dernier.
L’avocat de l’accusé, Me Francis Boucher, avait déposé le 16 mars dernier au palais de justice de Chibougamau une requête en exclusion de la preuve suite à la perquisition qui avait été effectuée au domicile de M. Senneville le 24 janvier 2019 par les policiers de la Sureté du Québec. Dans sa requête, Me Boucher prétendait que le juge qui avait émis le mandat de perquisition n’avait pas assez d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre aux policiers de perquisitionner au domicile de Gilbert Senneville à Chapais.
Source anonyme
Les policiers avaient déposé des accusations contre Gilbert Senneville de Chapais, suite à des perquisitions effectuées dans deux résidences et un terrain privé, dont une au domicile de Senneville. Lors de ces perquisitions, ils avaient mis la main sur une bonne somme d’argent ainsi que des quantités considérables de cannabis, de haschich, de méthamphétamine et de cocaïne.
L’enquête des policiers a débuté en septembre 2017, suite à des informations de deux sources anonymes et de deux autres connues des policiers. Ces sources soutenaient que M. Senneville se livrait à de la vente de stupéfiants sur le territoire de Chapais. Les enquêteurs ont donc commencé une surveillance physique de M. Senneville et d’autres personnes identifiées par leurs informateurs comme étant des personnes d’intérêt impliquées dans la vente de drogue.
Grâce à plusieurs surveillances physiques et aux témoignages de leurs informateurs, les policiers enquêteurs ont demandé à un juge d’autoriser une perquisition, entre autres, chez M. Senneville et c’est ce qui leur a permis de déposer par la suite des accusations.
Éléments de preuves insuffisants
Dans la décision de seize pages du juge Michel Boudreault, il remet sérieusement en question la fiabilité des sources anonymes rencontrées par les enquêteurs, surtout que l’une d’elles aurait appris par quelqu’un d’autre que M. Senneville vendait des stupéfiants dans un bar de Chapais. « Aucun indice, selon lui, ne permet de conclure à une information de première main, ni que la source était déjà allée sur les lieux visés », a-t-il écrit dans son jugement. Le juge Boudreault s’interroge sur la fiabilité de l’information puisqu’aucun détail n’accompagnait le témoignage de la source comme tel. « Cette source transmet une information par ouï-dire que le requérant trafiquait… » Les autres sources ont elles aussi donné des renseignements très sommaires et peu détaillés aux enquêteurs qui s’apparentaient plus à de simples rumeurs ou racontars.
Dans son jugement, le magistrat revient également sur les rapports de surveillance remis par les policiers lorsqu’ils ont demandé leur mandat de perquisition. Il souligne que, dans ces rapports, les enquêteurs n’ont jamais vu M. Senneville procéder à une activité pouvant s’apparenter à une transaction ou au transport de stupéfiants. Les observations n’ont pas également permis d’impliquer le requérant dans des transactions criminalisées ou gestes pouvant s’apparenter à du trafic de stupéfiants, ne serait-ce que des comportements et des fréquentations suspectes.
Le juge Boudreault conclut « que les informations fournies par les sources et qui ont servi de base à la demande d’émission du mandat de perquisition n’étaient pas suffisamment détaillées et rien dans l’enquête policière n’a permis la corroboration nécessaire. »
Un autre point important était en litige dans la requête déposée par Me Boucher. C’est que, selon lui, la perquisition faite dans le domicile de M. Senneville était illégale. Il prétend que les policiers n’avaient pas de motifs raisonnables de perquisitionner. Les rapports d’enquête ne relatent aucun fait indiquant qu’il y a eu du trafic de drogue à la résidence privée, aucun rassemblement de personnes d’intérêt, aucun va-et-vient particulier ou de faits qui permettaient de croire à du trafic de stupéfiants.
En conclusion dans son jugement, le juge Boudreault mentionne que même si les enquêteurs ont agi de bonne foi, ils auraient pu continuer leurs enquêtes et accumuler des preuves plus solides. Il n’y avait pas urgence d’agir. De plus, la fouille de la résidence, alors que rien ne laissait croire qu’il s’y passait des activités criminelles, était une atteinte très importante en matière de vie privée. « Le tribunal est conscient que, si les éléments de preuve sont exclus, l’accusé sera probablement acquitté. »
Mais, selon lui, permettre aux policiers de présenter des sources peu fiables et des preuves incomplètes pour obtenir des mandats encourage les policiers à contourner les protections contre la Charte, fausse le processus d’autorisation de mandats et ne sert pas l’administration de la justice.
Gilbert Senneville a été acquitté de toutes les accusations qui pesaient contre lui, à l’exception de possession simple de cocaïne.