L’industrie forestière en quête d’adaptation

Le président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec, Jean-François Samray, plaide en faveur de mesures adaptées à l’augmentation anticipée du nombre de feux de forêt.

À l’heure actuelle, les compagnies forestières s’affairent à récolter le bois brulé des forêts québécoises avant qu’il ne soit rendu inutilisable par les insectes. Mais la majorité de celui-ci ne pourra être récolté. Il y en a trop et il est trop loin. En date du 10 aout, selon des chiffres de la Sopfeu, 3,6 millions d’hectares de forêt ont brûlé en zone nordique en 2023 et 1,49 millions en zone intensive.

Dans le Nord-du-Québec et en Abitibi, c’est l’équivalent de cinq années de récoltes, selon Jean-François Samray. Quel pourcentage du bois brulé pourra être récupéré? 5 %? 15 %? « Ce sont des chiffres vers lesquels on essaie d’aller, répond-t-il. Mais ça va varier d’une région à l’autre. Dans le Nord-du-Québec et en Abitibi, les chiffres seront nettement plus bas qu’en Haute-Mauricie. »

Investissements et bioénergie

Pour augmenter ces taux et contribuer à la baisse des émissions de carbone, le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) préconise notamment de couper davantage, d’investir davantage et de développer la bioénergie. « Le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] nous dit qu’il faut planter plus d’arbres, mais il faut aussi utiliser davantage de bois issu de forêts gérées de façon durable en remplacement des matériaux intensifs en carbone dans le secteur de la construction, rappelle le PDG. Ça fait 20 ans que le GIEC dit ça. On est capables de rencontrer ces objectifs et d’utiliser une partie du bois pour faire de la bioénergie, de remplacer du combustible fossile […] pour réduire la quantité de carbone dans l’atmosphère et donc gérer le climat. Ça va passer par des budgets et une nouvelle approche en sylviculture. »

Migration assistée

Parmi les nouvelles approches, le CIFQ met de l’avant la migration assistée des arbres, c’est-à-dire la plantation de semis d’essences ou de provenances méridionales dans des localisations plus nordiques qui sont potentiellement adaptées aux futures conditions climatiques. « Comme la forêt appartient à l’État, l’État va devoir nous présenter une grande vision de comment il veut voir sa forêt et ce qu’il veut faire avec pour les années à venir, analyse Jean-François Samray. La façon de valoriser le bois et de s’éviter des catastrophes environnementales comme on a vécu, […] ça peut être en jardinant davantage la forêt, en l’adaptant aux changements climatiques. […] Va falloir qu’on jardine avec plus d’amour et plus d’argent et qu’on mette plus de ressources là-dessus. Les budgets liés à l’aménagement doivent augmenter nettement. »

Aides financières

Le 31 juillet dernier, le gouvernement québécois annonçait différentes mesures, dont des aides financières, notamment pour favoriser la récupération du bois brulé dans les forêts de l’État. Les aides tiennent compte, entre autres, de la diminution de la valeur des produits du bois transformé et peuvent servir à « compenser les couts additionnels de transport des bois lorsque la récupération se fait dans des territoires éloignés des usines de transformation ».

Jusqu’à un certain point, le bois brulé peut être utilisé aux mêmes usages qu’habituellement, mais les couts de transformation sont plus élevés. « L’écorce est plus dure, ça use les équipements beaucoup plus rapidement », dit le PDG du CIFQ.

S’il n’est pas récolté dans certains délais, le bois devient inutilisable parce qu’il est rongé par les longicornes. « Mais il y aura encore quelques années où il pourra servir à faire de la bioénergie, nuance-t-il. Le gouvernement devra trouver un moyen pour qu’on soit compétitifs en récoltant et en transportant le bois. C’est un beau défi. »

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