Par Marie-Claude Duchesne
En 1917, la Russie connut deux révolutions qui bouleversèrent l’ordre mondial. De ces temps troubles, nous ne retenons souvent que la révolution d’Octobre. Organisée par les bolcheviks, elle mena à l’instauration du communisme et, plus tard, à la formation de l’URSS. Pourtant bien avant l’action des communistes, le peuple russe se révolta de lui-même. Cette semaine : Février, la révolution du peuple.
Petrograd (Saint-Pétersbourg), février 1917. La Russie est enlisée dans l’interminable guerre mondiale depuis bientôt trois ans. Le pays peine à soutenir l’effort de guerre. Les usines sont incapables de répondre à la demande, l’armée est en déroute. Le conflit a bloqué le ravitaillement extérieur du pays. Les hommes sont mobilisés de force. Faute de main-d’œuvre, de ressources et de transports, l’agriculture s’effondre. La production est destinée au front alors que les campagnes et les villes frôlent la famine. On impose le rationnement, mais à quoi bon ? Les magasins sont vides. Faute de matériaux, les usines mettent à la rue des milliers de travailleurs. Les grèves se succèdent. La vieille Russie est au bord de l’éclatement.
Le 23 février*, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, une grande marche est organisée. Pacifiquement, on réclame la paix, on réclame du pain. Les autorités n’interviennent pas. Une simple peur alimentaire ? Les jours suivants, la foule se fait plus nombreuse. Ouvriers, grévistes, étudiants rejoignent les manifestants de la veille. On scande des slogans politiques, on hurle à la fin du régime impérial. Puis la colère monte. La situation dégénère rapidement. Le 26, le tsar* Nicolas II fait tirer sur la foule. Les soldats hésitent, les officiers s’en chargent. On comptera des dizaines de victimes et plus d’une centaine de blessés…
Dans la nuit du 26 au 27, les soldats de Petrograd se mutinent. Ils ne pardonnent pas à leurs supérieurs de leur avoir ordonné de tirer sur le peuple. La nouvelle gagne la ville. Ouvriers et soldats prennent d’assaut les établissements civils. On s’introduit dans l’Arsenal et les soldats arment les citoyens. Un des régiments mutins s’empare de la résidence impériale : le Palais d’Hiver.
Dès ce moment, le pouvoir impérial n’est plus. Nicolas II est au front, le peuple réclame que la chambre des représentants – la Douma – prenne les rênes du pays. Un gouvernement provisoire est créé. Partout, on forme des comités d’ouvriers et de soldats. De ces ouvriers, 600 sont élus au Soviet. Ils les représenteront face au gouvernement provisoire. Le 2 mars, le tsar, mis devant les faits, est poussé par ses conseillers à l’abdication. Il nomme son frère Michel à sa place. Son règne durera… moins de 24 heures. Devant la contestation, il abdique à son tour. En moins de 10 jours, la dynastie tricentenaire des Romanov aura été balayée.
Cette première révolution russe fut spontanée. Les semaines et les mois qui suivirent la révolution de Février avaient été teintés d’espoir. Les russes rêvaient de paix, de terre, de démocratie, mais surtout de justice et de dignité humaine. Le tsar avait toujours refusé ces concessions et écrasé toute contestation dans le sang. Le gouvernement provisoire se montra incapable de satisfaire les demandes urgentes du peuple. La grogne populaire trouva écho chez les communistes de Lénine. La marche vers la révolution d’Octobre était alors engagée. Mais ça, c’est une autre histoire…
Pour en savoir un peu plus sur la révolution russe :
– Documentaire : 1917, il était une fois la révolution, en 2 parties sur Tou.tv ;
– Lectures : voir les auteurs Marc Ferro ou Nicolas Werth.